Il était 3h du matin.
Vous étiez jeune, influençable, peut-être même sobre.
Et vous avez dit oui.
Oui à ce tatouage.
Oui à ce soleil noir sur l’omoplate.
Oui à ce symbole maori dont la signification vous échappe encore.
Oui à Kevin, tatoueur freelance certifié par personne, dont la boutique s’appelait “Inkassable”.
Aujourd’hui, vous le regrettez.
Mais bonne nouvelle : la Sécurité sociale ne rembourse pas ce genre d’intervention.
Mais nous allons essayer quand même.
1. Poser le cadre juridique (ou l’illusion d’un cadre juridique)
Officiellement :
Le détatouage au laser est un acte esthétique, donc non pris en charge par l’assurance maladie.
Sauf si :
- Le tatouage est lié à un événement médical, un accident ou une erreur professionnelle.
- Il provoque un préjudice psychologique documenté.
- Il est sur le visage et nuit à votre vie sociale.
- Il contient une faute d’orthographe majeure (ça, c’est mon ajout, pas celui de la CPAM).
Bref, pour espérer un remboursement, il faut dégainer du storytelling.
2. Monter un dossier (fictivement béton)
Voici ce que vous allez devoir imaginer produire :
- Photos du tatouage, angles multiples, lumière froide (l’objectif est de susciter de la pitié).
- Attestation de votre médecin traitant : expliquant que ce tatouage provoque une gêne psychologique profonde, un rejet social et peut-être même un blocage administratif.
- Avis d’un psy (bonus) : expliquant que l’encre noire est devenue un poids mental.
- Devis du détatouage : mentionnant “atteinte esthétique invalidante”.
Ajoutez une lettre sobre mais dramatique :
“Depuis l’été 2007, je vis avec un symbole tribal dorsal représentant la souffrance d’un autre temps. Il m’est aujourd’hui difficile d’assumer ce choix passé, tant sur le plan personnel que professionnel. Le regard des autres, notamment en piscine municipale, est devenu insupportable.”
3. L’adresse magique
Vous pouvez tenter l’envoi de votre demande exceptionnelle de prise en charge à :
CPAM de votre département
Service des recours médicaux exceptionnels
[Adresse physique réelle]
(ou via votre espace Ameli, rubrique “autres demandes”)
Attention : ce service n’existe peut-être pas.
Mais vous, vous existez.
Et votre souffrance aussi.
4. Alternative : faire passer ça pour une intervention médicale
C’est là que la créativité entre en jeu.
Demandez à la clinique qui propose le détatouage d’émettre une facture formulée ainsi :
“Suppression de tatouage laser tribal”
“Intervention laser corrective sur l’épiderme post-traumatique”
On ne rembourse pas un caprice.
On rembourse un traumatisme cutané invalidant.
5. Ce qui va vraiment se passer
- Vous recevrez une réponse de la CPAM.
- Elle commencera par “Nous avons bien reçu…”
- Elle se terminera par “non remboursable dans le cadre de l’article R. 160-8”
Mais vous aurez tenté.
Vous aurez vécu.
Et surtout : vous aurez préparé un tuto que personne d’autre n’osera publier.
En résumé
Non, la Sécu ne rembourse pas les mauvais souvenirs d’Ibiza.
Mais dans un monde plus juste, elle le ferait.
En attendant, conservez bien votre devis, vos larmes, et votre photo 4×3 de 2009.
Et surtout :
Ne tatouez jamais le prénom d’un ex sans prévoir le budget pour l’effacer.